Design culinaire, la suite...
On a croqué du bois au Paris des Chefs...
S'il est une prestation qui était pleinement de l'ordre du design culinaire au Paris des Chefs, c'est bien celle de Thierry Marx. Je vous l'ai décrite ici telle que je l'ai perçue, la démarche intellectualisée de la
réflexion culinaire y était absolue.
Le "Pari" de ce festival qui s'est tenu en parallèle du salon Maison et Objet était d'associer 20 chefs à 20 créateurs designers. Il leur était demandé de suivre un fil conducteur : une réflexion
sur le visible et l'invisible... Faut-il faire disparaître des éléments choisis, pour en rendre d'autres plus visibles, patents, alors que sans ce tour de
passe passe on ne les remarquerait pas ?
C'est ainsi que l'argentin Mauro Colagreco, chef du "Mirazur", élève de Bernard Loiseau, d'Alain Passard, d'Alain Ducasse, est parvenu
à livrer une assiette sylvestre remarquable dans laquelle il nous a fait déguster de petits copeaux de bois...
On a croqué du bois au Paris des Chefs ?
Presque !
Mauro Colagreco, associé à l'architecte Marcelo Joulia, nous a concocté sa vision du monde végétal,
une cuisson en deux temps de topinambours. Une première cuisson classique, dans du papier d'aluminium. Puis les topinambours ont été vidés, et contre toute attente, la chair a été mise de
côté tandis qu'on a conservé leur peau. Les pelures de topinambours ont été séchées au four à 50° pendant cinq heures...
Ça laisse songeur.
Le topinambour, ce légume qu'on ne fera pas manger à la génération qui a vécu la guerre même enfant, on la lui propose version épluchure... Ils sont
forts ces argentins !
Les chips de topinambour je les ai testées, elles étaient savoureuses ! Ce concentré de saveurs terrestres à la texture si légère, presque inexistante sous le palais était délectable !
Ces copeaux
diaphanes étaient présentés sur un lit de mousse sylvestre pour en accentuer l'esprit végétal et l'idée était sublime.
Ceci dit on est tout de même parvenu à nous laisser nous extasier devant des pelures de topinambours... C'est ça la magie !
Etait associé à cet étrange mais savoureux plat terrien un gaspacho invisible, ou plutôt la substantifique eau de végétation d'une soupe de légumes. Mauro Colagreco possède une âme de botaniste, comme Voltaire il cultive son jardin, c'est aussi ma devise, j'ai préparé ma maîtrise de Lettres sur le sujet. Et il nous a livré la quintessence de la chlorophylle des
légumes, quasiment leur lymphe, en passant dans un chinois très fin le gaspacho qu'il avait composé. La pulpe des légumes a été dissociée de
sa partie aqueuse, il en est ressorti un concentré de jus, transparent, dénué de couleur, l'âme même des végétaux. Pour réveiller la présentation de cette évoquation invisible de l'essentiel, le chef a associé des parcelles de tomate, poivrons, courges à l'assiette, qui est soudain devenue
resplendissante et solaire.
Pour parfaire le tout il a accentué sa création en la plaçant sous cloche, hommage à Pierre Gagnaire et mise en scène restituée. Les
cloches étaient faussement transparentes, ici aussi le jeu entre visible et invisible était parfait.
Nota bene : le descriptif que vous venez de parcourir est sans doute interprété. Le côté tangible de l'affaire était une soupe avec des légumes et des morceaux d'épluchures sur un carré de mousse chipée dans un jardin. Ma compréhension de la représentation et la description que j'en fais est peut-être totalement à l'ouest de ce que voulaient signifier le chef et l'architecte qui nous ont livré cette belle expérience. Si par chance vous avez assisté à la même représentation je serai heureuse de connaître votre avis sur la question, votre perception du show... Cet appel à réflexion est aussi lancé à propos des prestations d'Arnaud Daguin, décrite ici, et de Thierry Marx,décrite là...
Votre avis m'intéresse !
Quel creuset d'idées, de découvertes, de création ! La quatrième édition du Paris des Chefs,
qui conjugue cuisine et inspiration, gourmandise et talent, a été foisonnante.
Les chefs sont venus des quatre coins du monde pour présenter leur savoir-faire et leurs innovations. Lorsque les cuisiniers s'associent en duos aux
créateurs et artisans (architectes, photographes, designers, peintres, musiciens...) l'ébullition est formidablement fertile...
La cuisine est un art qui avance, qui progresse, repousse les limites. L'alchimie qui s'est opérée durant trois jours a été riche de créations, d'idées, de concepts. On s'y est régalés à chaque duo, j'ai été souvent
surprise, parfois choquée, mais on ne progresse pas sans bouleversements. Durant les prochains posts je vais vous faire partager mes impressions et quelques photos, il s'agira de vues
parcellaires, le show a été si riche... Pour vous mettre en appétit,
disons que je vous parlerai de mon trio préféré : Anne-Sophie Pic / Carole Bouquet (qui n'est pas qu'actrice, elle est vigneronne aussi) / Julie Andrieu (si complice). Mais j'ai aussi
été complètement séduite par le grand Fulvio Pierangelini en duo avec Massimiliano Fuksas : deux italiens de talent, comment ne pas être sous le charme ?
J'ai aussi été interloquée par cette silhouette sexy, apparue au fond de la scène dans un style très "poupoupydoo". A bien y regarder il s'agissait de Frédérick e. Grasser-Hermé
habillée d'une robe fourreau de... crépine de porc ladygaguesque improbable, tentant d'approcher Rita Hayworth sur Put the blame on Mame. Beurk et oups. Son
compagnon de scène François Berléan a été grandiose pour donner de la crédibilité à la performance, en rattrapage aux chippendales perdreaux-du-jour et leur séance de strip-tease...
Mais on est allés plus loin encore : j'ai du réprimer des hauts-le-coeur à la vue d'un coeur de cheval. C'est énorme, un coeur de
cheval. Il a été cuisiné sous nos yeux. Et le chef l'a transformé en mets délectable. De même que cette petite cervelle de cerf, extirpée de sa boîte craniène en direct et
mitonnée ensuite. Âmes sensibles changez de blog. En même temps je pense que si nous savions tout ce qui se passe avant l'arrivée de l'entrecôte dans notre assiette peut-être serions nous tous
végétariens. Bien d'autres surprises encore, mais la plus belle, celle qui m'a émue, a été la transcription musicale de saveurs et d'impressions gustatives, je vous
raconte cela tout bientôt...
Récapitulatif des articles Paris des Chefs :
2012 Humer
l'atmosphère
2012 Duo Anne-Sophie
Pic Carole Bouquet
2012 Duo Fulvio
Pierangelini Massililiano Fuksas
2011 Thierry Marx
2011 Arnaud
Daguin
2011 Mauro Colagreco
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