Le Jardin Enchanté de Maria Hofker

Plutôt côté Grelinette, côté aquarelles aussi et largement dans un registre de leçon de vie qui pourrait donner quelques nourritures spirituelles à ceux qui le veulent, ce merveilleux ouvrage réussit la gageure d'être à la fois primesautier et empreint de sagesse. Tirer des leçons de vie d'un jardin "à l'anglaise" vous en doutez ? En tout cas c'est une flânerie de bon goût et parfaitement agréable, à emporter sur la plage ou dans un transat, au calme, pour rêver... 
A partir d'une petite parcelle de terre envahie de ronces, Maria Hofker, artiste Néerlandaise, a créé un jardin sauvage, à l'image des jardins anglais du début du XXème siècle. Elle l'a peint dans ses carnets, et a raconté ce lieu magique et clos, à travers un regard à la fois artistique, botaniste et humaniste.   

Pourquoi j'aime ce livre : 
- Parce que ce jardin me rappelle celui d'une amie, plein de poésie, faussement désordonné, désuet, suranné, où on aime s'attarder et ne plus penser à rien, juste écarquiller les yeux et découvrir, les fougères, les campanules, les roses trémières. Tout pousse tout seul, du moins c'est l'impression que cela donne car moi je sais qu'elle guide les plantes et les guette avec élégance...
- Pour l'atmosphère qui se dégage de ses carnets. Au début ce sont surtout des notes sur les plantes (qu'elle nomme en latin, comme de grands amis raffinés et estimés) de son jardin. Elle thésaurise les connaissances botaniques, sa curiosité est sans borne et ses aquarelles très descriptives. A la belle saison elle écrit et peint, l'hiver elle calligraphie ses notes et relie ses planches en livres de cuir, portant une attention extrême aux reliures, signées en page de garde et frappées d'un ex-libris créé par son frère car tous sont artistes dans la famille. Puis au fil du temps les notes décrivent de plus en plus de sentiments, d'impression fugitives tandis que les aquarelles deviennent plus libres et c'est finalement un art de vivre général qu'on y glane. 

Remarques :
- Maria Hofker a vécu en Indonésie et une philosophie toute asiatique est peinte dans sa perception des choses. Elle a étudié de nombreux jardins botaniques et a compris que le bonheur ne vient ni de la possession ni de la dimension. Son jardin est petit, il n'est que loué, mais la maturité et la sagesse qu'elle en ressort sont immenses...
- J'aime ses collections de chapeaux de paille géants, pleins de charme, qui lui donnent à s'imaginer en plein XVIIIème siècle aux côtés de marie-Antoinette...
- Chaque "opus" est précédé de l'année de sa création (de 1949 à 1985) et du descriptif de cuir de sa reliure : "peau de phoque rouge dorée sur tranche", "Cuir blanc orné d'un losange jaune", "Cuir vert foncé et médaillon rouge doré à la feuille"...

Focus : 
- Les papillons "Vanessa Cardui" attendant les sedums, page 63... L'aquarelle est fine, on y décrypte les essais pour atteindre l'esquisse idéale et cette étude est émouvante, tout est juste suggéré. Les tons chauds sont une invitation à la rêverie et je me surprends à faire le rapprochement avec les gros bourdons bleus énormes de mon jardin qui tous les ans attendent l'éclosion des campanules, bien avant qu'elles ne soient épanouies... 

Fiche technique :
"Le Jardin enchanté de Maria Hofker", 127 pages, 24 cm x 22 cm, juillet 2009, 25 € Editions du Chêne.