Les aquarelles de Carmontelle, le Temps de la douceur de vivre, Musée de Condé, Château de Chantilly

Publié le par Isa-Marie

A l'heure ou l'aquarelle fait un retour en force dans les loisirs, l'inspiration des techniques anciennes et le plaisir de les découvrir sont un monde à explorer. Au XVIIIème siècle les aquarelles de Carmontelle sont pleines de fraîcheur et de légèreté. Et elles dressent un panorama charmant de la société du siècle des Lumières. On peut les découvrir au Cabinet des Arts Graphiques, Musée Condé, au Château de Chantilly, depuis le 5 septembre et jusqu'au 3 janvier 2021.

Louis Carrogis de son vrai nom est avant tout ingénieur militaire et au titre de géomètre topographe il fait des levés de terrain lors des combats de la guerre de succession d'Autriche et la guerre de sept ans. Entre deux levés, en autodidacte, il met de côté les cartes et utilise pierre noire, gouache et aquarelle pour faire les portraits de l'état major qui l'entoure, et tout le monde adore... Très vite il se distingue par ces portraits (j'ai lu qu'il ne donnait jamais les originaux, et n'offrait que des copies) et se fait beaucoup d'amis. Lorsqu'en 1759 il entre au service du duc de Chartres (futur duc d'Orléans, qui deviendra Philippe Egalité, qui votera la mort de son cousin le Roi en 1793), il fréquente le Palais Royal, la Cour, les proches de la famille du Roi.

S'il est écrivain, architecte, paysagiste et organisateur de fêtes, on hobby est aussi notoire. Il assied son atout de portraitiste et croque les musiciens, comédiens, scientifiques, philosophes, belles élégantes du « temps de la douceur de vivre », selon la formule qu'emploiera Talleyrand bien plus tard. Ses créations sont un amusement et le mettent en lumière auprès de ses contemporains. Pour nous elles offrent une vision de la société aristocratique du moment. On a dit qu'il ne peignait pas "beau", mais "juste". Cette exposition d'une cinquantaine de dessins offre un voyage dans le temps et dans notre Histoire. Je ne voulais pas la laisser passer et je partage ma découverte avec vous...

Louis Carrogis dit Carmontelle, Wolfgang-Amadeus Mozart (1756-1791) enfant jouant avec son père et sa sœur Maria-Anna (dite Nannerl) à Paris en 1764

Louis Carrogis dit Carmontelle, Wolfgang-Amadeus Mozart (1756-1791) enfant jouant avec son père et sa sœur Maria-Anna (dite Nannerl) à Paris en 1764

Une des aquarelles les plus connues de Carmontelle est sans doute celle ci, qui immortalise le jeune Mozart au clavecin avec sa soeur Nannerl et son père Léopold en août 1766. Le jeune prodige a alors dix ans, et fait une étape à Lyon alors qu'il est sur le chemin du retour après un voyage de quatre ans auprès des grandes cours d'Europe.

Louis Carrogis dit Carmontelle, Autoportrait, vers 1760

Louis Carrogis dit Carmontelle, Autoportrait, vers 1760

Cet autoportrait de Louis Carrogis dit L.C. Carmontelle est touchant : on le voit à l'oeuvre, on découvre son matériel avec l'eau, le pinceau, les couleurs, sa posture de croqueur, c'est un document précieux.

Cette aquarelle est d'ailleurs caractéristique de ses séries : on le voit de profil et tous ses portraits présentent des visages de côté, plus faciles à représenter que de face ou de trois quart. Et l'arrière plan présente une scène bucolique, avec Nature et jardins.

Les aquarelles de Carmontelle, le Temps de la douceur de vivre, Musée de Condé, Château de Chantilly

C'est que Carmontelle était aussi paysagiste, c'est d'ailleurs lui qui dessina le Parc Monceau, sur la commande de Louis Philippe d'Orléans, duc de Chartres qui possédait le village de Monceau, plus vastement étendu vers le nord et l'ouest qu'il ne l'est aujourd'hui. C'est un parc dans l'air du temps, un parc à "Fabriques", jalonné de "Folies" : pyramide, obélisque, temple de Mars (influence maçonnique), pagode chinoise, pont vénitien, moulin hollandais... Les décors de jardins se retrouvent dans la plupart des aquarelles qu'il produit.

Louis Carrogis dit Carmontelle, Les Gentilshommes du duc d'Orléans, portant l'habit de Saint Cloud (1760)

Louis Carrogis dit Carmontelle, Les Gentilshommes du duc d'Orléans, portant l'habit de Saint Cloud (1760)

Les Gentilshommes du duc d'Orléans, portant l'habit de Saint Cloud (1760), avec redingote rouge et bas noirs  : ces aquarelles sont un témoignage détaillé des costumes de l'époque. Et les silhouettes sont si justes que les protagonistes (chevalier de Gax, marquis de Périgny, chevalier de Saint-Mars, chevalier d’Estrées, baron de Tourempé et chevalier Desparts) ont pu se reconnaître, même de dos.

Le peintre Henri Félix Emmanuel Philippoteaux (1815 1884) s'est directement inspiré de cette aquarelle qu'il a reprise à l'huile en 1839.

Louis Carrogis dit Carmontelle, Madame de Meaux, Mademoiselle de Meaux sa fille et Monsieur de Saint Quentin, répétant un opéra comique

Louis Carrogis dit Carmontelle, Madame de Meaux, Mademoiselle de Meaux sa fille et Monsieur de Saint Quentin, répétant un opéra comique

Madame de Meaux, Mademoiselle de Meaux sa fille et Monsieur de Saint Quentin, répétant un opéra comique. Ces amateurs répètent un opéra comique dans un parc.
Madame de Meaux accorde un luth, sa fille assise à ses pieds tient la partition, Monsieur de Saint Quentin  flûte ) la main. Ce dernier était, en 1758, contrôleur du château de Rambouillet chez le duc de Penthièvre, père de la duchesse de Chartres. Leurs tenues de scène rayées apportent plein de charme à la scène.
Carmontelle écrivait pour le spectacle amateur, distraction principale de la bonne société l'été, lors des longs séjours à la campagne.

Louis Carrogis dit Carmontelle, Georges Louis Le Clerc, comte de Buffon, 1769

Louis Carrogis dit Carmontelle, Georges Louis Le Clerc, comte de Buffon, 1769

Georges Louis Le Clerc, comte de Buffon (1707 1788) : physicien (il traduisit Newton de l'anglais), protégé du prince de Condé, Buffon entra à l'Académie des Sciences en 1733 à vingt six ans. Nommé Intendant du Jardin du Roi en 1739, il fait du Jardin des Plantes un Centre de Recherches et un Musée. Soutenu par Louis XV et Madame de Pompadour, puis par Louis XVI, il fit du Cabinet d'Histoire Naturelle du Roi la plus importante collection d'Europe .
Auteur d'une gigantesque Histoire Naturelle en 36 volumes (1749 1789), entré à l'Académie française en 1753, il collabora à l'Encyclopédie.
Pour lui, l'Univers résulte d'une lente évolution, ce qui dressa l'Eglise contre lui, mais influença Lamarck et Darwin. Agé de soixante deux ans, Carmontelle le montre dans sa bibliothèque, avec une mappemonde et un télescope, entouré d'animaux et de plantes exotiques, évoquant les trois règnes de la Nature.

Dessinateur amateur, mais amateur éclairé, du XVIIIe siècle Carmontelle a « fait poser devant lui la société de son temps », selon les Goncourt.

A vous de voir la suite, l'exposition, superbe, est un régal d'aquarelle et de culture G.

Vous voulez en voir davantage ? Récapitulatif :

  • Journées des Plantes de Chantilly, Automne 2020 1 : Orchidées Vacherot & Lecoufle, Caisses de Transport multiplicatrices d'Horticulture et Jardins, Conférence de Patrick Blanc : Click
  • Journées des Plantes de Chantilly, Automne 2020 2 : Encore un peu de Chantilly ? Click
  • Journées des Plantes de Chantilly, Automne 2020 3 : Un musée d'excellence A venir
  • Journées des Plantes de Chantilly, Automne 2020 4 : Les jardins Click
  • Journées des Plantes de Chantilly, Automne 2020 5 : Exposition Carmontelle Click
  • Journées des Plantes de Chantilly, Automne 2020 6 : La Fabrique de l'Extravagance A venir

Vous aimez l'esprit de Grelinettes et Cassolettes ?
Alors laissez vos commentaires, donnez vos avis... C'est ce qui enrichit le blog et le fait vivre ! Moi aussi j'adore vous lire !

Partager cet article

Repost0

Commenter cet article

D
c'est superbe! je crois qu'il y a eu cette expo au chateau de Sceaux il y a un certain temps.....
Répondre
N
De bien belles aquarelles, j'aime beaucoup
Répondre
B
Ces aquarelles doivent être magnifiques.
Répondre