La Cuisine du Moyen-Age
Voilà une cuisine à explorer. Souvent on s'évade avec les cuisines de pays exotiques. Il est plus rare que l'on voyage dans le temps en matière culinaire et pourtant c'est une vraie découverte ! La cuisine médiévale est codifiée, quelque peu déroutante, et tous comptes faits... plutôt moderne.
Moderne par son aspect diététique. Les recettes que j'ai découvertes dans ce livre
sont plutôt sobres en calories, font la part belle aux légumes et céréales, et prônent la plupart du temps l'utilisation d'aromatiques, du "jardin de simples". Elles flattent le palais
mais aussi tendent à être facteur d'entretien de la santé.
Si aujourd'hui notre repas se déroule "à la russe", c'est à dire avec une progression qui va de l'entrée au dessert, à cette époque on tendait à exposer sur la table (surtout de fête)
tous les mets ensemble. Cependant on ne papillonnait pas de plat en plat inopinément, car prétendre à un plat plutôt qu'à un autre dépendait de son rang social et donc de sa place à
table...
Jours gras ou jours maigres, tables bourgeoises, aristocrates ou paysannes n'ont bien sûr pas les mêmes références.
Pourquoi j'aime ce
livre :
- Parce qu'il nous livre 120 recettes épatantes, à refaire (les ingrédients sont assez courants pour
la plupart).
- Parce qu'il s'inspire de sources tangibles passionnantes, qu'il nous fait d'ailleurs découvrir. Les
recettes sont apparues très tôt dans l'histoire. On peut remonter au IIème millénaire avant notre ère pour retrouver les premières, en
Mésopotamie. Le médecin byzantin Anthime a rédigé un traité diététique pour le
fils de Clovis, quelle modernité ! Mais c'est à partir de 1300 que naît vraiment un engouement pour les ouvrages culinaires. Ils sont écrits en différentes langues,
et partagent souvent les informations avec des précis de botanique, de jardinage ou de médecine. Les recettes sont soit des pense-bêtes
indiquant des ingrédients sans proportions ni déroulement des actions à mener, soit des manuels précis et structurés en fonction des
jours gras et jours maigres et s'adressent alors à des professionnels des maisons princières. Je vous laisse découvrir l'historique qui est passionnante.
Mais je ne résiste pas à l'envie de vous en citer quelques uns.
"Tractarus de modo preparandi et
condiendi omnia cibaria" est écrit en latin et date de 1300. Il est
conservé à la Bibliothèque Nationale de France.
"Le Viandier" est écrit vers 1320 par Guillaume Tirel dit
"Taillevent", maître Queux de Charles V. Il est conservé au Musée Dobrée à Nantes.
"Le Ménagier de Paris" est écrit en 1393 par un bourgeois pour son épouse de quinze ans. Il traite de recettes
mais aussi d'économie ménagère et de morale. Deux manuscrits sont à la BNF et un est à la Bibliothèque des Ducs de Bourgogne à Bruxelles. A vous de découvrir les
autres au travers du livre de Fabienne Carme, ils sont passionnants.
Les références aux textes d'origine sont toujours citées.
"Grelinette"
apprécie :
- Le livre est structuré en 9 chapitres qui font le point de
l'hitoire et des coutumes, puis donnent des recettes typiques : les épices et vins épicés, les sauces, les viandes, les légumes et céréales, les
oeufs et laitages, les poissons, les pâtes, les pâtisseries et fruits, les confiseries.
- On découvre de bonnes idées à chaque chapitre. La qualité d'une table se mesurait à la variété et la quantité des épices utilisées.
Parmi les recettes je vous cite le "Saugé" (à base de vin blanc, de feuilles de sauce et de miel de châtaignier)... Mais surtout je retiens les sauces
qui ne contenaient pratiquement pas de matières grasses, tenaient lieu (comme les épices) de
médicament, et respectaient la saisonnalité (forcément). Peut-on trouver plus actuel ? Les liants étaient la fécule de riz, le pain, le foie de
volaille... jamais la farine. Elles jouaient sur les textures, les saveurs et les couleurs. Le sel n'était pratiquement jamais utilisé. Par contre les fruits secs, le verjus, la pomme, les
herbes, le miel étaient parmi les principaux composants. On prônait le lait d'amandes... comme actuellement dans nos livres de diététique il me semble ! Je vous invite vraiment à les
découvrir, elles sont pleines de bonnes idées.
Les légumes et céréales étaient consommés surtout chez les classes moyennes et pauvres. Les racines se trouvaient au bas de l'échelle des valeurs, au contraire des oiseaux,
volailles et cygnes se mouvant dans l'air, le plus élevé des quatre éléments, réservés à l'élite.
Les poissons étaient très consommés, surtout parce que la religion imposait jusqu'à 150 jours maigres par an. Le poisson de mer était plus noble que le poisson de rivière. En
hiver on mangeait plutôt les poissons "ronds" et en été les poissons "plats". Les régionalismes en matière de production étaient très forts. Les confiseries étaient souvent offertes en
cadeau, aux visiteurs de marque. On servait aussi après les repas, dans les "chambres de parement" les confiseries ou épices "de
chambre". Ces confitures, friandises, connues sous le nom de "lectuaires" regroupaient les dragées, les massepains, les fruits secs ou confits, à base de fenouil, de
coing, d'anis ou de gingembre pour faciliter la digestion...
Remarques :
A la fin un glossaire permet de découvrir tout un vocabulaire culinaire (ou non)
médiéval. Le "Boutehors" est la fin du banquet et on y sert confiseries et vins épicés digestifs. Le "sucre rosat" est une confiserie à base de pétales de violettes
broyées et de sucre. Le "Verjus" est un jus acidulé de raisin vert, de pomme verte, d'oseille (qu'on remet en ce moment au goût du jour d'ailleurs)...
Focus
:
Je vous livre quelques intitulés
de recettes : le "Civet d'huîtres" (huîtres plates, pois secs, vin blanc, vinaigre, épices essentiellement), le potage de figues (figues sèches noires et blanches,
vin blanc doux, poudre de douceur càd gingembre, galanga, cannelle, poivre, muscade, sucre entre autres), "Beignets de vent", "Velouté de
prunes"...
Fiche
technique :
"La Cuisine du Moyen-Age", Fabienne Carme, 144
pages, 25 cm x 25,5 cm, 2008, 24,90 € Editions Sud-Ouest.
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