Exposition Caillebotte, Peindre les Hommes, Musée d'Orsay
Le Musée d'Orsay nous a présenté un merveilleux zoom sur Gustave Caillebotte cette année et si vous n'êtes pas encore allés voir cette très belle exposition il vous reste un peu de temps encore pour vous y rendre
Pour ceux qui ont vu l'expo et veulent se la remémorer, ou pour ceux qui ne pourront pas y aller, voici quelques vues et points de vue personnels
Une exposition tout en évidence
- Tout d'abord je me souviens avoir apprécié l'année dernière, en 2023, la nouvelle acquisition du Musée d'Orsay La partie de bateau de Gustave Caillebotte, d'une valeur de 43 millions d'euros, qui est entrée dans les collections du Musée et a été classé comme Trésor National
- Puis l'année dernière Gustave Caillebotte a été un des peintres mis en valeur lors de l'exposition Paris 1874, Inventer l'impressionnisme à l'occasion du 150 ème anniversaire de ce mouvement artistique majeur de la peinture française
- Jusqu'à l'accrochage de la très belle rétrospective Caillebotte, Peindre les Hommes, qui se tient en ce moment au Musée d'Orsay, du 8 octobre 2024 au 19 janvier 2025
Peindre les hommes
- C'est pour le 130 ème anniversaire de la mort de Gustave Caillebotte ( 1848 - 1894) que cette rétrospective composée d'environ 70 oeuvres a été orchestrée
- Elle met en valeur des toiles emblématiques de l'artiste, et d'autres moins connues. J'y ai appris que près de 70 % de ses tableaux de figures représentent exclusivement des hommes, comme pour montrer le côté masculin de la modernité, au contraire de Manet, Degas, ou Renoir pour qui la "vie moderne" a été représentée par des figures féminines majoritairement
- Caillebotte a pris ses modèles dans son environnement direct : ses frères, ses amis, les passants des rues de son quartier, les ouvriers ou domestiques qui ont travaillé pour sa famille, les canotiers avec qui il a navigué sur l'Yerres ou sur la Seine deviennent sujets d'exploration picturale. Dans cette exposition la masculinité devient sujet artistique, via des descriptions sociales, vestimentaires, de la vie quotidienne, du travail et des loisirs
Sujets, cadrages, une peinture tout en modernité
- Chroniqueur pictural de la vie quotidienne, il met au coeur de son oeuvre la condition masculine donc, qui est aussi la sienne, celle d'un jeune bourgeois parisien, peintre d'avant garde attentif, amateur de sport et d'horticulture, épris de modernité
- L'immersion dans l'oeuvre de Caillebotte permet de constater de façon flagrante ses partis pris picturaux lorsqu'il peint majoritairement des hommes.
- Et ses cadrages sont extrêmement modernes, avec un côté cinématographique. Il nous fait entrer en direct dans l'action, en zoomant sur ses personnages au point de leur couper les jambes de façon inconventionnelle pour saisir de plus près leurs attitudes en créant une dynamique cinétique
- Ici dans Paris par temps de Pluie, où tous les personnages sont en action, chacun sous son parapluie
- Là dans le Pont de l'Europe où le cadrage est encore plus audacieux. Un cran au dessus du précédent, le personnage principal est présenté de trois quart, dans une position "naturelle", mais avec un cadrage qui lui coupe les jambes, et le personnage secondaire est tronqué sur toute sa hauteur, pour confirmer le mouvement : au moment où on le regarde il n'est déjà plus là, il est déjà passé.
- Seules quelques petites touches de peau, les visages entraperçus, la main, témoignent de l'humain et du vivant, en complément de ce mouvement cadré de façon très moderne
- D'ailleurs l'"humain" est cadré à gauche de la toile tandis qu'à droite la force, la froide géométrie et le métal du pont essaient de partager le sujet principal du tableau, puis, au loin, l'arrière plan esquissé
- Les redingotes, véritables uniformes du moment, sont des mêmes camaïeux que le métal
- Ce tableau est très géométrique, je me suis amusée à compter les triangles et il y en a beaucoup, distinctement visuels ou symboliques, et cela participe au dynamisme et au mouvement de cette scène apparemment banale mais en réalité très construite et très parlante
- Idem ici avec ce personnage assis et presque figé, engoncé et à la nuque raide, qui semble plaqué sur son fauteuil Voltaire, austère comme l'est l'image de l'homme du XIXème siècle, "ni ornement, ni sentiment"
Les croquis et essais en regard des grandes oeuvres
- J'ai beaucoup apprécié dans l'exposition la découverte de "séries" qui nous ont présenté plusieurs études d'une même thématique, comme les célèbres Raboteurs de parquet par exemple
- Leurs gestes sont reproduits avec une justesse saisissante, et renforcés grâce aux croquis préparatoires, que nous pouvons admirer
- On connait tous cette version ci
- Et moins cette deuxième version
- Les dessins préparatoires étaient inédits pour moi, et très intéressants
Les Raboteurs de Parquet
- Ce tableau de 1875, présenté au Salon, a fait scandale et a été refusé par le jury
- Il a en revanche obtenu un grand succès à la deuxième édition du Salon des Refusés en 1876, qui était la seconde exposition des impressionnistes, alors considérés comme un groupe novateur mais "à part"
- Sa composition est très influencée par l'émergence de la photo. On peut apprécier son cadrage par son contre-jour, par son point de vue qui met l'accent sur les épaules et les bras des raboteurs, qui semblent rallongés tandis que le parquet fuit vers le bas. Si on les regarde sous un certain angle en visitant l'exposition on peut même avoir l'impression qu'ils vont glisser
- Le tableau est en même temps hyper réaliste et on peut sentir autant l'application des artisans à leur tâche, que leur sueur et leur musculature, si masculine, et l'application du peintre à les représenter
Les peintres en bâtiment
- Autre toile, mêmes procédés : ici la perspective est pour le moins violente, pour donner un franc dynamisme à l'oeuvre. La composition est en X sans nuance. La ligne de fuite est à hauteur des yeux du personnage debout, comme souvent, ce qui a pour effet de mettre le spectateur au même niveau que lui
- Le sujet est très familier pour Caillebotte : il a été établi que la devanture qui est en train d'être restaurée est celle d'un marchand de vin, du 16 rue de Lisbonne, situé juste en face de l'hôtel particulier du peintre
- Les deux artisans principaux (il y en a quatre) prennent du recul pour vérifier leur travail. Sans doute un peu comme Caillebotte alors même qu'il est en train de les peindre. En cela il s'identifie momentanément à eux, comme pour affirmer sa proximité avec les hommes de métier qu'il choisit pour sujet d'étude.
- Ici encore nous avons la chance de pouvoir examiner les croquis préparatoires qui mettent en avant l'intention de l'artiste.
- Par exemple le peintre sur l'esquisse n'est pas encore doté de son canotier. Canotier qui lui offre une allure un brin détachée, orientée loisirs, sans doute parce qu'il est mi artisan, mi artiste au titre de lettriste. Entre le croquis et l'oeuvre finale, Caillebotte a voulu ajouter cette dimension
Caillebotte et le costume masculin
- A travers le costume bourgeois, Caillebotte campe les personnages urbains
- Redingotes et jaquettes mettent en valeur le mouvement.
- Les couleurs sombres, dans des camaïeux de gris mettent l'accent sur l'uniformité de la tenue, son élégance toute masculine aussi
Modernes aussi, les nus
- On peut découvrir quelques nus dans l'exposition, dont une femme tandis que les autres sont des hommes
- Tous sont peints de façon assez crue, sans volonté de transcender le sujet, comme s'ils étaient des études
- Si le sujet de la toilette n'est pas nouveau, Degas l'a bien traité par exemple, la représentation du bain via des figures masculines apporte un sujet moderne. et son traitement aussi. Il est présenté de façon assez froide, sans complaisance particulière, mais tut en mettant les personnages en valeur tout de même. C'est un autre regard, réaliste
Caillebotte et les sportsmen
- La culture des loisirs se développe, et notamment les régates autour de Paris
- Caillebotte aime le canotage, qu'il peint avec toujours ces fameux cadrages dynamiques mais aussi un réel sens de la lumière, ce sont d'ailleurs mes toiles préférées, avec celles des jardins
- La masculinité s'exprime via la gestuelle des personnages, mais surtout au delà de la performance athlétique ce sont les jeux de reflets, le soleil, la vitesse, le grand air que le peintre transcrit à merveille
L'horticulture et les jardins
- Alors que les villes se modernisent et s'agrandissent, la société bourgeoise trouve refuge à la campagne et en bord de mer, autre sujet favori de Caillebotte
- La dernière salle met en scène des toiles d'extérieurs, de nature et de verdure, qui respirent et offrent plus de légèreté et de joie de vivre
- On y trouve aussi des documents, des photos, autant de témoignages inédits
J'ai aimé cette exposition pour
- La découverte de toiles que je ne connaissais pas, notamment les nus, qui ont enrichi ma connaissance de Caillebotte que j'aimais surtout pour ses canotiers et ses peintures de potager, vous avez peut être en tête ces jardiniers portant des arrosoirs, pieds nus au milieu de rangées de légumes ?
- Pour les documents inédits et trésors cachés comme les esquisses et croquis
- Pour le choix de la thématique, qui cerne bien le XIXème siècle et ses atmosphères. Chaque pièce de l'exposition offre une thématique différente depuis les rues animées et les constructions métalliques parisiennes modernes de l'époque aux choix personnels du peintre et sa façon d'aborder l'impressionnisme tout en ayant sont propre style si unique
Mon petit regret
- N'avoir pas vu la toile Les Jardiniers, dont je vous parle plus haut, représentant le potager avec ces jardiniers pieds nus entrain d'arroser dans ces rangées de cloches maraîchères
Le petit clin d'oeil savoureux
- J'ai été heureuse d'admirer cette toile magnifique représentant Charlotte Berthier dans le jardin de Gennevilliers. C'était la compagne de Gustave Caillebotte, dont on sait peu de choses si ce n'est qu'elle vivait avec lui à Paris et à Gennevilliers.
- Cela rend le peintre encore plus sympathique : il ne nous a pas livré toute sa vie dans sa peinture, il est resté très discret sur son existence, en plus d'avoir été un mécène formidable, qui a tenu le mouvement des impressionnistes à bout de bras dans un moment où les peintres qui le créaient avaient du mal à le faire reconnaitre.
- Amical clin d'oeil à mon amie Cathy qui se reconnaitra et qui saura pourquoi
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