Petites Considérations sur les Fleurs Déco en Cuisine...
Avez vous remarqué comme les fleurs sont omniprésentes sur les photos de cuisine ? Petites étoiles bleues de bourrache, généreuses coroles oranges de capucines, calendulas, pétales de roses et plus rarement on trouve des fleurs d'aromatiques...
Elles sont là comme pour meubler, apporter une ambiance, rattraper une assiette qui serait un peu triste sinon...
Qui ne les a pas vues nous faire signe désespérément, là sous blister, dans leur petite barquette... Qu'elles sont tristes rangées encore vivantes au rayon frais des supermarchés et du grand supermarché de food pro que tout le monde connait...
Je suis restée à côté juste pour voir. Elles ne laissent pas insensibles en tout cas. Beaucoup de mains se sont tendues vers les petites barquettes étroites. On a regardé leur prix, évalué leur couleur et leur mine, puis on les a reposées. Pas assez pimpantes? trop chères ? trop décalées du bon contexte ?
Je n'oublierai pas une certaine remarque d'un grand chef lors d'un concours où j'étais membre du jury à ses côtés.
Le chef étoilé a regardé la concurrente s'avancer et poser son assiette sur la table pour être évaluée. Quelques pensées décoraient l'assiette. Le chef a réprimé une légère grimace et a demandé à celle qui venait d'argumenter pour présenter son plat : "Vous êtes fleuriste ?"
- Non...
- Alors pourquoi ces fleurs en déco si elles ne sont pas une composante du plat ?
Autant dire que la concurrente, en matière de fleurs, est devenue... pivoine.
Je trouve que le chef avait raison.
J'y repense souvent lorsque je prépare mes propres plats. Et je me demande quoi faire. Car moi aussi, je me sens heureuse d'ajouter quelques notes de couleur, quelques formes élégantes de fleurs à l'occasion... Mais franchement, ces fleurs, qu'est-ce qu'elles fichent ici ?
En même temps je repense à ma grand mère solognote, celle qui avait trois maisons et trois beaux jardins. Elle ne se gênait pas pour ajouter des fleurs de capucines façon chemin de table ou dans ses saladiers, juste en déco. Elle aimait aller les chercher dans son jardin... "J'ai descendu dans mon jardin" (Non non pas de faute de français ici, c'est une tournure d'ancien français justement)... Souvent je me dis que je suis un peu comme elle.
J'ai l'impression que si les fleurs qui viennent se perdre dans mes assiettes sortent tout droit de mon potager ou de mon jardin (je vais toujours cueillir des aromatiques, comme si c'était un réflexe, avant de cuisiner et des fleurs cotoient les herbes très souvent) et non pas de barquettes achetées au rayon frais d'un magasin, alors, donc, je me dis qu'elles ont tout de même une certaine légitimité dans ce que je concocte pour les miens...
Et alors que penser des cuisinières qui sont en ville, n'ont pas de jardin et aimeraient elles aussi donner un côté bucolique à leurs assiettes ? Je ne saurais pas dire pourquoi ce second cas me gêne un peu...
Que penser aussi de ces restaurants plutôt bien situés mais pas gastronomiques non plus, qui singent les plus grands et gratifient une assiette minimaliste d'une fleur ou deux histoire de se la jouer et de nous la vendre un bon prix ?
Je dois préciser que chez moi, les fleurs qu'on ne mange pas, qui apparaissent juste en déco (et je fais cela depuis très longtemps), ont toujours une seconde vie dans des petites verrines remplies d'eau. Souvent même je les photographie pour les dessiner plus tard ce qui leur donne une troisième vie...
Le chef avait raison, mais je m'autorise des écarts... C'est bien là le paradoxe et la complexité des réflexions...
Et vous, qu'en pensez vous ?