Les bons "Coins à Champignons" : faut-il les partager ?
Drôle d'histoire... Au fil de la saison je vous ai parlé de nos récoltes sylvestres. Quel plaisir de faire une balade en forêt, tôt le matin, de mettre en alerte tous ses sens en étant attentifs aux parfums de terre et d'humus, aux couleurs d'automne qui déclinent toutes les nuances d'or et de carmins, aux bruissements dans les branches, aux chants d'oiseaux, amplifiés par le calme ambiant. On change alors de rythme et on savoure l'instant de découverte permanente. Si par chance c'est la saison et qu'on se promène au bon endroit, on peut avoir le bonheur de découvrir de merveilleux champignons voire même de faire une récolte de qualité. Cèpes et pieds de moutons sont au rendez-vous, il suffit de les chercher, et surtout d'être au bon endroit.
Le mycélium a ses caprices. Sa course, sous terre, reste mystériuse et les champignons ne sont pas partout. Un "coin à champignons" peut être naturellement borné sur quelques dizaines de mètres carrés, et autour plus rien, aucune récolte possible.
Ces "coins à champignons", on les découvre à force de patience et d'observation. On apprend à reconnaître l'environnement, les arbres alentours, la luminosité...
Puis, ces "coins" on les respecte, c'est à dire qu'on n'y jette rien, on ne shoote pas les champignons inconnus ou non comestibles, on ne chamboule pas l'environnement. De même que sur l'estran lorsqu'on bouge les pierres ou les rochers lors d'une pêche à pied on prend bien garde à tout remettre en place pour ne pas bouleverser l'écosystème, en forêt on respecte aussi les lieux. Si on a le bonheur de s'y régaler parce qu'il nous semble intact, c'est parce que les promeneurs qui sont venus avant nous ont eux aussi su apprécier l'endroit et n'ont pas laissé trace de leur passage.
La cueillette correspond aussi à un art de vivre, aux antipodes de l'esprit de société de consommation. On se veut en symbiose avec la nature, on retrouve nos origines le temps de quelques heures.
Il y a un mois de cela, j'ai emmené une copine, parce qu'elle me le demandait avec beaucoup d'insistance depuis un moment. Je ne la connaissais pas bien (je l'avais rencontrée dans une association d'échange de savoirs, je pensais qu'il y avait une éthique derrière cela) mais je nous croyais sur la même longueur d'ondes. Donc le rendez vous a été pris et j'ai été fière de lui faire découvrir, un peu comme un trésor, cet endroit privilégié que d'ailleurs elle a immédiatement apprécié. Je lui ai montré les ronds de sorcières, si étonnants, je lui ai appris à différencier cèpes et bolets, coulemelles et pieds de montons. Et, à un moment où elle était à l'écart et ne me répondait pas, j'ai été intriguée. Je me suis approchée d'elle : elle balisait tout simplement notre ballade au GPS ! Elle marquait les coins à cèpes !
Depuis le "périmètre" (qui restait sauvage et inviolé depuis 6 ans) a été bouleversé. Elle m'a avoué (non sans défi) y être retournée avec famille, copains (forcément l'endroit vaut le détour)... Plus tard on y a trouvé des emballages de barres de céréales. Les champignons non comestibles ont été shootés et moi aussi j'ai eu l'impression d'avoir été secouée.
Je me suis trompée et ai mal évalué la personne à qui j'ai fait confiance, sans doute par excès d'optimisme. Par principe je pense qu'il faut faire confiance aux autres à priori. Ce n'est pas toujours une bonne idée. J'ai été bernée.
Il est des gens irrémédiablement connectés à la société du rendement et de la consommation qui vont dans les bois au GPS pour dévaliser le lieu sans perdre de temps puis passent à autre chose.
La prochaine fois je serai moins confiante et j'adopterai l'attitude des "anciens" qui ne dévoilaient jamais leur "coin à champignons"...
Et vous ? Qu'en pensez vous ?
Donneriez vous votre "coin à champignons" ?
ADDENDUM...
Après une journée, voici ce que je peux ajouter sur le sujet. C'était en sologne il y a quelques dizaines d'années. Ma grand mère, qui adorait les cèpes, savait où en trouver : il y avait un petit chemin, derrière les maisons où les champignons poussaient facilement. Mais ce "coin" avait été trouvé en tout premier lieu par son voisin. Jamais elle n'aurait cueilli "ses cèpes" sans son accord. Et d'ailleurs il arrivait que le voisin vienne lui en apporter. Autres temps. Autres moeurs...
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