Paris des Chefs : Arnaud Daguin et Edouard François
Le "Paris des Chefs", c'est LA rencontre de la cuisine et du design. J'ai eu le plaisir
d'y assister, je partage avec vous mes impressions...
Vingt duos de créateurs associant à chaque fois un gastronome et un professionnel du design, qu'il soit sculpteur, graphiste, architecte...
Le fil conducteur entre ces binômes ? Leur perception du visible et de l'invisible...
Ce précepte posé, reste aux créateurs en cuisine ou en toute autre matière
de nous donner à réfléchir sur leur conception de la vie à travers ce qu'on voit et ce qu'on ne voit pas, le double regard de la création.Le
premier duo à ouvrir le "Pari" qui s'est tenu dans le cadre du salon Maison & Objet est celui d'Arnaud Daguin, prestigieux chef de la chambre
d'hôtes Hégia à Hasparren au pays Basque et Edouard François, architecte reconnu pour son engagement en faveur de l'environnement et pour son esprit novateur. Il est le créateur par exemple
de l'"immeuble qui pousse" à Montpellier, la "Tower flower" et la façade de l'hôtel Fouquet's à Paris.
Tous deux ont choisi de cuisiner le même panier
de légumes, chacun à sa manière. Ce qui m'a rassurée c'est qu'ils ont bien sélectionné des légumes de saison (ça n'a pas été toujours le cas des chefs présents), plus précisément des
légumes-racine : betteraves, navets boule d'or, carottes, topinambours entre autres.
Arnaud Daguin nous a parlé de ses légumes : on sait qu'il aime les produits frais, poussés dans le respect de la terre et de ceux qui vont
les consommer. C'est là qu'intervient le visible et l'invisible. Les légumes, on les voit, on les touche. Cependant ils ont aussi une histoire, qu'à priori on ne voit pas. Mais nous devons
chercher à la connaître. Leur origine est capitale. L'invisible c'est le chemin qu'ont suivi ces légumes avant de venir à nous. Puis le chemin qu'il continuent de mener lorsque nous les
ingérons. Ils sont notre carburant ! Enfin c'est aussi l'impact de ce que nous demandons à la nature pour nous nourrir.
Pour Edouard François les choses
sont ressenties différemment. Cela peut paraître fantaisiste mais c'est très pertinent... Les aliments sont classés en quatre domaines : ceux qui font prendre un kilo en un jour.
On imagine bien lesquels. Ceux qui font prendre un kilo en une semaine. Et ceux qui font perdre un kilo en un jour ou en une semaine. A nous de naviguer avec cette notion directrice pour
boussole. En sachant qu'on peut avec un seul ingrédient faire passer un plat d'une case à l'autre en un saut...
Arnaud Daguin a rôti ses légumes au four à forte chaleur, 250° pendant 45 minutes.
Il a choisi de concentrer les saveurs. Du coup les légumes ont caramélisé en surface ; il les a épluchés là où ils étaient brûlés et a dressé ce qui restait joliment coloré. Puis il a
émincé des légumes crus et a associé le cru (champignons, chou rouge), qui conserve les vitamines et nutriments (surtout la peau), au cuit, car certaines fibres ont besoin de cette
transformation pour libérer des goûts concentrés.
Edouard François a présenté plus ou moins la même démarche, mais en utilisant une cuisson à
l'étuvée, dans un casserole équipée d'un thermomètre. Il a adjoint des herbes et au final a salé le plat avec un élément "animal" : un anchois.
Tous deux étaient parfaitement en phase malgré leurs cheminements différents. L'un a cuit à l'air, pour ôter l'humidité. L'autre a cuit à couvert, pour concentrer l'élément aqueux. L'un a assaisonné d'herbes et d'anchois, l'autre d'huile de colza riche en omégas 3...
Curieusement, alors que l'un est plutôt conservateur et l'autre plutôt novateur, j'ai trouvé que leur conception de la cuisine au final se rejoignait dans le respect du produit et de celui qui le consomme. On sent que la philosophie qui accompagne leur démarche, à force d'être novatrice, revient en fait aux origines et au bon sens... Deux belles assiettes colorées et certainement savoureuses !
Demain je vous parlerai d'un duo de choc estonien un peu gore, soyez au rendez-vous !
Quel creuset d'idées, de découvertes, de création ! La quatrième édition du Paris des Chefs,
qui conjugue cuisine et inspiration, gourmandise et talent, a été foisonnante.
Les chefs sont venus des quatre coins du monde pour présenter leur savoir-faire et leurs innovations. Lorsque les cuisiniers s'associent en duos aux
créateurs et artisans (architectes, photographes, designers, peintres, musiciens...) l'ébullition est formidablement fertile...
La cuisine est un art qui avance, qui progresse, repousse les limites. L'alchimie qui s'est opérée durant trois jours a été riche de créations, d'idées, de concepts. On s'y est régalés à chaque duo, j'ai été souvent
surprise, parfois choquée, mais on ne progresse pas sans bouleversements. Durant les prochains posts je vais vous faire partager mes impressions et quelques photos, il s'agira de vues
parcellaires, le show a été si riche... Pour vous mettre en appétit,
disons que je vous parlerai de mon trio préféré : Anne-Sophie Pic / Carole Bouquet (qui n'est pas qu'actrice, elle est vigneronne aussi) / Julie Andrieu (si complice). Mais j'ai aussi
été complètement séduite par le grand Fulvio Pierangelini en duo avec Massimiliano Fuksas : deux italiens de talent, comment ne pas être sous le charme ?
J'ai aussi été interloquée par cette silhouette sexy, apparue au fond de la scène dans un style très "poupoupydoo". A bien y regarder il s'agissait de Frédérick e. Grasser-Hermé
habillée d'une robe fourreau de... crépine de porc ladygaguesque improbable, tentant d'approcher Rita Hayworth sur Put the blame on Mame. Beurk et oups. Son
compagnon de scène François Berléan a été grandiose pour donner de la crédibilité à la performance, en rattrapage aux chippendales perdreaux-du-jour et leur séance de strip-tease...
Mais on est allés plus loin encore : j'ai du réprimer des hauts-le-coeur à la vue d'un coeur de cheval. C'est énorme, un coeur de
cheval. Il a été cuisiné sous nos yeux. Et le chef l'a transformé en mets délectable. De même que cette petite cervelle de cerf, extirpée de sa boîte craniène en direct et
mitonnée ensuite. Âmes sensibles changez de blog. En même temps je pense que si nous savions tout ce qui se passe avant l'arrivée de l'entrecôte dans notre assiette peut-être serions nous tous
végétariens. Bien d'autres surprises encore, mais la plus belle, celle qui m'a émue, a été la transcription musicale de saveurs et d'impressions gustatives, je vous
raconte cela tout bientôt...
Récapitulatif des articles Paris des Chefs :
2012 Humer
l'atmosphère
2012 Duo Anne-Sophie
Pic Carole Bouquet
2012 Duo Fulvio
Pierangelini Massililiano Fuksas
2011 Thierry Marx
2011 Arnaud
Daguin
2011 Mauro Colagreco
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